Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/490

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et le fauteuil, les enchaînaient de guirlandes. Marat se voyait à peine, hâve, étrange, égaré, sous ces fraîches verdures printanières ; la crasse reluisait sous les fleurs. Retardé à chaque instant par des députés de métiers, des harangueurs de sections, il allait agitant la tête d’un mouvement automatique, répondant à tout d’un fixe sourire qui semblait d’un fou. Il ouvrait les bras sans cesse comme pour embrasser le peuple. Il était fort touchant ce peuple (quelque peu digne que fût l’objet de sa gratitude), touchant et par son bon cœur et par l’excès de ses maux. Nul doute que cette bonté n’ait atteint Marat lui-même, qu’un éclair de sensibilité n’ait traversé cette âme, plus vaniteuse encore et furieuse que perverse. C’est à ce moment ou jamais qu’il trouva la belle parole qu’il a répétée souvent : « Je me suis fait anathème pour ce bon peuple de France. »

Tout le monde, dès le matin, prévoyait, savait le triomphe. Les chefs de la Montagne attendaient la foule et Marat, pleins de tristesse et de dégoût. Robespierre en jaunissait. Dès le matin, à l’ouverture même de la Convention et sans à-propos, il avait lancé en hâte une théorie de la propriété, qui remontait sa popularité au moins au niveau de Marat. À l’encontre de la définition de la propriété qu’avait donnée Condorcet dans son plan de constitution (Un droit qui consiste en ce que tout homme est maître de disposer à son gré de ses biens), Robespierre proposait celle-ci : Le droit qu’a le citoyen de disposer de la portion des biens qui lui est garantie par la loi.