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quisition, les âneries des dominicains (Fouets, Marteaux, Fourmilières, Fustigations, Lanternes, etc., ce sont les titres de leurs livres). Puis, j’ai lu les parlementaires, les juges lais qui succèdent à ces moines, les méprisent et ne sont guère moins idiots. J’en dis un mot ailleurs. Ici, une seule observation, c’est que, de 1300 à 1600, et au delà, la justice est la même. Sauf un entr’acte dans le Parlement de Paris, c’est toujours et partout même férocité de sottise. Les talents n’y font rien. Le spirituel De Lancre, magistrat bordelais du règne d’Henri IV, fort avancé en politique, dès qu’il s’agit de sorcellerie, retombe au niveau d’un Nider, d’un Sprenger, des moines imbéciles du quinzième siècle.

On est saisi d’étonnement en voyant ces temps si divers, ces hommes de culture différente, ne pouvoir avancer d’un pas. Puis on comprend très-bien que les uns et les autres furent arrêtés, disons plus, aveuglés, irrémédiablement enivrés et ensauvagés, par le poison de leur principe. Ce principe est le dogme de fondamentale injustice : « Tous perdus pour un seul, non seulement punis, mais dignes de l’être, gâtés d’avance et pervertis, morts à Dieu même avant de naître. L’enfant qui tette est un damné. »

Qui dit cela ? Tous, Bossuet même. Un docteur important de Rome, Spina, maître du Sacré Palais, formule nettement la chose : « Pourquoi Dieu permet-il la mort des innocents ? Il le fait justement. Car s’ils ne meurent à cause des péchés qu’ils ont faits, ils meurent toujours coupables pour le péché originel. » (De Strigibus, c. 9.)