Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/351

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« Imitez, tout ira bien. Répétez et copiez. » Mais est-ce bien là le chemin de la véritable enfance, qui vivifie le cœur de l’homme, qui lui fait retrouver les sources fraîches et fécondes ? Je ne vois d’abord dans ce monde, qui fait le jeune et l’enfant, que des attributs de vieillesse, subtilité, servilité, impuissance. Qu’est-ce que cette littérature devant les monuments sublimes des Grecs et des Juifs ? même devant le génie romain ? C’est précisément la chute littéraire qui eut lieu dans l’Inde, du brahmanisme au bouddhisme ; un verbiage bavard après la haute inspiration. Les livres copient les livres, les églises copient les églises, et ne peuvent plus même copier. Elles se volent les unes les autres. Des marbres arrachés de Ravenne, on orne Aix-la-Chapelle. Telle est toute cette société. L’évêque roi d’une cité, le barbare roi d’une tribu copient les magistrats romains. Nos moines, qu’on croit originaux, ne font dans leur monastère que renouveler la villa (dit très bien Chateaubriand). Ils n’ont nulle idée de faire une société nouvelle, ni de féconder l’ancienne. Copistes des moines d’Orient, ils voudraient d’abord que leurs serviteurs fussent eux-mêmes de petits moines laboureurs, un peuple stérile. C’est malgré eux que la famille se refait, refait le monde.

Quand on voit que ces vieillards vont si vite vieillissant, quand, en un siècle, l’on tombe du sage moine saint Benoît au pédantesque Benoît d’Aniane, on sent bien que ces gens-là furent parfaitement innocents de la grande création populaire qui fleurit sur les ruines : je parle