Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/375

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de là-haut peut s’abattre sur ta maison, enlever ce qui lui plaît « pour le service du seigneur ».


Aussi, voyez-le, cet homme ; qu’il est sombre sur son sillon, et qu’il a la tête basse !… Et il est toujours ainsi, le front chargé, le cœur serré, comme celui qui attendrait quelque mauvaise nouvelle.

Rêve-t-il un mauvais coup ? Non, mais deux pensées l’obsèdent, deux pointes le percent tour à tour. L’une : « En quel état ce soir trouveras-tu ta maison ? » — L’autre : « Oh ! si la motte levée me faisait voir un trésor ? si le bon démon me donnait pour nous racheter ? »

On assure qu’à cet appel (comme le génie étrusque qui jaillit un jour sous le soc en figure d’enfant), un nain, un gnome, sortait souvent tout petit de la terre, se dressait sur le sillon, lui disait : « Que me veux-tu ? » — Mais le pauvre homme interdit ne voulait plus rien. Il pâlissait, il se signait, et alors tout disparaissait.

Le regrettait-il ensuite ? Ne disait-il pas en lui-même : « Sot que tu es, tu seras donc à jamais malheureux ! » Je le crois volontiers. Mais je crois aussi qu’une barrière d’horreur insurmontable arrêtait l’homme. Je ne pense nullement, comme voudraient le faire croire les moines qui nous ont conté les affaires de sorcellerie, que le Pacte avec Satan fût un léger coup de tête, d’un amoureux, d’un avare. À consulter le bon sens, la nature, on sent, au contraire, qu’on n’en venait là qu’à l’extrémité,