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J’ai réussi à retrouver ce drame en 1857 (Hist. de France). Je l’ai recomposé, en ses quatre actes, chose peu difficile. Seulement, à cette époque, je lui ni trop laissé les ornements grotesques que le sabbat reçut aux temps modernes, et n’ai pas précisé assez ce qui est du vieux cadre, si sombre et si terrible.


Ce cadre est daté fortement par certains traits atroces d’un âge maudit, — mais aussi par la place dominante qu’y tient la Femme, — grand caractère du quatorzième siècle.

C’est la singularité de ce siècle que la Femme, fort peu affranchie, y règne cependant, et de cent façons violentes. Elle hérite des fiefs alors ; elle apporte des royaumes au roi. Elle trône ici-bas, et encore plus au ciel. Marie a supplanté Jésus. Saint François et saint Dominique ont vu dans son sein les trois mondes. Dans l’immensité de la Grâce, elle noie le péché ; que dis-je ? aide à pécher. (Lire la légende de la religieuse dont la Vierge tient la place au chœur, pendant qu’elle va voir son amant.)

Au plus haut, au plus bas, la Femme. — Béatrix est au ciel, au milieu des étoiles, pendant que Jean de Meung, au Roman de la Rose, prêche la communauté des femmes. — Pure, souillée, la Femme est partout. On en peut dire ce que dit de Dieu Raimond Lulle : « Quelle part est-ce du monde ? — Le Tout. »

Mais au ciel, mais en poésie, la Femme célébrée, ce n’est pas la féconde mère, parée de ses enfants.