Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/489

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Il est sot, mais intrépide ; il pose hardiment les thèses les moins acceptables. Un autre essayerait d’éluder, d’atténuer, d’amoindrir les objections. Lui, non. Dès la première page, il montre de face, expose une à une les raisons naturelles, évidentes, qu’on a de ne pas croire aux miracles diaboliques. Puis il ajoute froidement : Autant d’erreurs hérétiques. Et, sans réfuter les raisons, il copie les textes contraires, saint Thomas, Bible, légendes, canonistes et glossateurs. Il vous montre d’abord le bon sens, puis le pulvérise par l’autorité.

Satisfait, il se rassoit, serein, vainqueur ; il semble dire : Eh bien ! maintenant, qu’en dites-vous ? Seriez-vous bien assez osé pour user de votre raison ?… Allez donc douter, par exemple, que le Diable ne s’amuse à se mettre entre les époux, lorsque tous les jours l’Église et les canonistes admettent ce motif de séparation !

Cela, certes, est sans réplique. Personne ne soufflera. Sprenger, en tête de ce manuel des juges, déclarant le moindre doute hérétique, le juge est lié ; il sent qu’il ne doit pas broncher ; que, si malheureusement il avait quelque tentation de doute ou d’humanité, il lui faudrait commencer par se condamner et se brûler lui-même.


C’est partout la même méthode.

Le bon sens d’abord ; puis de front, de face et sans précaution, la négation du bon sens. Quelqu’un, par exemple, serait tenté de dire que, puisque l’amour est dans l’âme, il n’est pas bien nécessaire