Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/605

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« Rassurez-vous : votre frère n’a rien à craindre, j’ai arrangé son affaire. » Elle fut tout attendrie. Girard sentit son avantage. Un homme si puissant, ami du roi, ami de Dieu, et qui venait de se montrer si bon ! quoi de plus fort sur un jeune cœur ? Il s’aventura, et lui dit (toutefois dans sa langue équivoque) : « Remettez-vous à moi, abandonnez-vous tout entière. » Elle ne rougit point, et, avec sa pureté d’ange, elle dit : « Oui », n’entendant rien, sinon l’avoir pour directeur unique.

Quelles étaient ses idées sur elle ? En ferait-il une maîtresse ou un instrument de charlatanisme ? Girard flotta sans doute, mais je crois qu’il penchait vers la dernière idée. Il avait à choisir, pouvait trouver des plaisirs sans périls. Mais Mlle Cadière était sous une mère pieuse. Elle vivait avec sa famille, un frère marié et les deux qui étaient d’Église, dans une maison très étroite, dont la boutique de l’aîné était la seule entrée. Elle n’allait guère qu’à l’église. Quelle que fût sa simplicité, elle sentait d’instinct les choses impures, les maisons dangereuses. Les pénitentes des Jésuites se réunissaient volontiers au haut d’une maison, faisaient des mangeries, des folies, criaient en provençal : « Vivent les jésuitons ! » Une voisine que ce bruit dérangeait, vint, les vit couchées sur le ventre (5b), chantant et mangeant des beignets (le tout, dit-on, payé par l’argent des aumônes). La Cadière y fut invitée, mais elle en eut dégoût et n’y retourna point.

On ne pouvait l’attaquer que par l’âme. Girard semblait n’en vouloir qu’à l’âme seule. Qu’elle obéit,