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attendrissante. Elle avait souffert extrêmement de ce court trajet. L’abbesse voulut la coucher, et la mettre dans son propre lit. Elle lui dit qu’elle l’aimait tant qu’elle voulait le lui faire partager, coucher ensemble comme sœurs.

Pour son plan, c’était peut-être plus qu’il ne fallait, c’était trop. Il eût suffi que la sainte logeât chez elle. Par cette faiblesse singulière de la coucher avec elle, elle lui donnait trop l’air d’une petite favorite. Une telle privauté, fort à la mode entre les dames, était chose défendue dans les couvents, furtive, et dont une supérieure ne devait pas donner l’exemple.

La dame fut pourtant étonnée de l’hésitation de la jeune fille. Elle ne venait pas sans doute uniquement de sa pudeur ou de son humilité. Encore moins certainement de la personne de la dame, relativement plus jeune que la pauvre Cadière, dans une fleur de vie, de santé, qu’elle eût voulu communiquer à sa petite malade. Elle insista tendrement.

Pour faire oublier Girard, elle comptait beaucoup sur l’effet de cet enveloppement de toutes les heures. C’était la manie des abbesses, leur plus chère prétention, de confesser leurs religieuses (ce que permet sainte Thérèse). Cela se fût fait de soi-même dans ce doux arrangement. La jeune fille n’aurait dit aux confesseurs que le menu, eût gardé le fond de son cœur pour la personne unique. Le soir, la nuit, sur l’oreiller, caressée par la curieuse, elle aurait laissé échapper maint secret, les siens, ceux des autres.