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du Jugement. Alors, pacifiés, côte à côte, tous deux dormiront dans la mort commune.

Il n’est pas difficile sans doute, en les faussant, d’arriver à un compromis. L’énervation des longues luttes, en affaiblissant tout, permet certains mélanges. On a vu au dernier chapitre deux ombres pactiser de bon accord dans le mensonge : l’ombre de Satan, l’ombre de Jésus, se rendant de petits services, le Diable ami de Loyola, l’obsession dévote et la possession diabolique allant de front, l’Enfer attendri dans le Sacré-Cœur.

Ce temps est doux, et l’on se hait bien moins. On ne hait guère que ses amis. J’ai vu des méthodistes admirer les Jésuites. J’ai vu ceux que l’Église dans tout le Moyen-âge appelle les fils de Satan, légistes ou médecins, pactiser prudemment avec le vieil esprit vaincu.

Mais laissons ces semblants. Ceux qui sérieusement proposent à Satan de s’arranger, de faire la paix, ont-ils bien réfléchi ?

L’obstacle n’est pas la rancune. Les morts sont morts. Ces millions de victimes, Albigeois, Vaudois, Protestants, Maures, Juifs, Indiens de l’Amérique, dorment en paix. L’universel martyr du Moyen-âge, la Sorcière ne dit rien. Sa cendre est au vent.

Mais savez-vous ce qui proteste, ce qui solidement sépare les deux esprits, les empêche de se rapprocher ? C’est une réalité énorme qui s’est faite depuis cinq cents ans. C’est l’œuvre gigantesque que l’Église a maudite, le prodigieux édifice des sciences et des institutions modernes, qu’elle excommunia pierre par pierre, mais que chaque anathème gran-