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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

les prières, reçoit, renvoie, plus ardente, l’étincelle fanatique, est le vrai foyer de la guerre civile.

La femme, qu’est-ce encore ? le lit, l’influence toute-puissante des habitudes conjugales, la force invincible des soupirs et des pleurs sur l’oreiller… Le mari dort, fatigué. Mais, elle, elle ne dort pas. Elle se tourne, se retourne ; elle parvient à l’éveiller. Chaque fois, profond soupir, parfois un sanglot. « Mais qu’as-tu donc, cette nuit ? Hélas ! le pauvre Roi au Temple !… Hélas ils l’ont souffleté, comme Notre-Seigneur Jésus-Christ » Et, si l’homme s’endort un moment : « On dit qu’on va vendre l’église ! l’église et le presbytère ! Ah ! malheur, malheur à celui qui achètera !… »

Ainsi, dans chaque famille, dans chaque maison, la contre-révolution avait un prédicateur ardent, zélé, infatigable, nullement suspect, sincère, naïvement passionné, qui pleurait, souffrait, ne disait pas une parole qui ne fût ou ne parût un éclat du cœur brisé… Force immense, vraiment invincible. À mesure que la Révolution, provoquée par les résistances, était obligée de frapper un coup, elle en recevait un autre : la réaction des pleurs, le soupir, le sanglot, le cri de la femme, plus perçant que les poignards.

Peu à peu, ce malheur immense commença à se révéler, ce cruel divorce : la femme devenait l’obstacle et la contradiction du progrès révolutionnaire que demandait le mari.

Ce fait, le plus grave et le plus terrible de l’époque, a été trop peu remarqué.

Le fer trancha la vie de bien des hommes. Mais voici qui est bien plus ; un invisible fer tranche le