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LES VENDÉENNES EN 90 ET 91

du toit. Paul, c’est son enfant qui est mort. Monsieur le curé l’a très bien dit « Ainsi périrent les premiers-nés d’Égypte… »

Généralement le mari ne répondait rien, tournait le dos, faisait semblant de dormir. Il n’avait pas de quoi répondre à ce flot de paroles. La femme l’embarrassait, par la vivacité du sentiment, par l’éloquence naïve, pathétique, au moins par les pleurs. Il ne répondait point, ou ne répondait qu’un mot que nous dirons tout à l’heure. Il n’était nullement rendu, cependant. Il ne lui était pas facile de devenir l’ennemi de la Révolution, sa bienfaitrice, sa mère, qui prenait son parti, jugeait pour lui, l’affranchissait, le faisait homme, le tirant du néant. N’y eût-il rien gagné, pouvait-il aisément ne pas se réjouir de l’affranchissement général ? Pouvait-il méconnaître ce triomphe de la Justice, fermer les yeux au spectacle sublime de cette création immense tout un monde naissant à la vie ! — Il résistait donc en lui-même. « Non, disait-il en lui, non, tout ceci est juste, quoi qu’ils disent ; et je ne serais pas l’homme qui y profite, que je le croirais juste encore. »

Voilà comment les choses se passèrent dans presque toute la France. Le mari résista, l’homme resta fidèle à la Révolution.

Dans la Vendée, dans une grande partie de l’Anjou, du Maine et de la Bretagne, la femme l’emporta, la femme et le prêtre, étroitement unis.

Tout l’effort de la femme était d’empêcher son mari d’acheter des biens nationaux. Cette terre tant désirée du paysan, si ardemment convoitée de lui, depuis des siècles, au moment où la loi la lui livrait pour ainsi