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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

de passage où vont et viennent les troupes, et qui respirent un souffle de guerre, l’idéal de la femme, c’est le militaire, l’officier. L’épaulette est presque invincible.

Dans le Midi et surtout dans l’Ouest, l’idéal de la femme, de la paysanne du moins, c’est le prêtre.

Le prêtre de Bretagne, spécialement, dut plaire et gouverner. Fils de paysan, il est au niveau de la paysanne par la condition, il est avec elle en rapport de langue et de pensée : il est au-dessus d’elle par la culture, mais pas trop au-dessus. S’il était plus lettré, plus distingué qu’il n’est, il aurait moins de prise. Le voisinage, la famille parfois, aident aussi à créer des rapports entre eux. Elle l’a vu enfant, ce curé ; elle a joué avec lui ; elle l’a vu grandir. C’est comme un jeune frère à qui elle aime à raconter ses peines, la plus grande peine surtout pour la femme : combien le mariage n’est pas toujours un mariage, combien la plus heureuse a besoin de consolation, la plus aimée d’amour.

Si le mariage est l’union des âmes, le vrai mari c’était le confesseur. Ce mariage spirituel était très fort, là surtout où il était pur. Le prêtre était souvent aimé de passion, avec un abandon, un entraînement, une jalousie qu’on dissimulait peu. Ces sentiments éclatèrent avec une extrême force, en juin 91, lorsque, le roi étant ramené de Varennes, on crut à l’existence d’une grande conspiration dans l’Ouest, et que plusieurs directoires de départements prirent sur eux d’incarcérer des prêtres. Ils furent relâchés en septembre, lorsque le roi jura la Constitution. Mais, en novembre, une mesure générale fut prise contre