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Mme ROLAND

Mme Reland fut vertueuse, nullement amollie par l’inaction, la rêverie où languissent les femmes ; elle fut au plus haut degré laborieuse, active, le travail fut pour elle le gardien de la vertu. Une idée sacrée, le devoir, plane sur cette belle vie, de la naissance à la mort ; elle se rend ce témoignage au dernier moment, à l’heure où l’on ne ment plus : « Personne, dit-elle, moins que moi n’a connu la volupté. » — Et ailleurs : « J’ai commandé à mes sens. »

Pure dans la maison paternelle, au quai de l’Horloge, comme le bleu profond du ciel ; qu’elle regardait, dit-elle, de là jusqu’aux Champs-Élysées ; – pure à la table de son sérieux époux, travaillant infatigablement pour lui ; pure au berceau de son enfant, qu’elle s’obstine à allaiter, malgré de vives douleurs ; elle ne l’est pas moins dans les lettres qu’elle écrit à ses amis, aux jeunes hommes qui l’entouraient d’une amitié passionnée[1] ; elle les calme et les console, les élève au-dessus de leur faiblesse. Ils lui restent fidèles jusqu’à la mort, comme à la vertu elle-même.

L’un d’eux, sans songer au péril, allait en pleine Terreur recevoir d’elle, à sa prison, les feuilles

  1. Voyez la belle lettre à Bosc, alors fort troublé d’elle et triste de la voir transplantée près de Lyon, si loin de Paris : « Assise au coin du feu, après une nuit paisible et les soins divers de la matinée, mon ami à son bureau, ma petite à tricoter, et moi causant avec l’un, veillant l’ouvrage de l’autre, savourant le bonheur d’être bien chaudement au sein de ma petite et chère famille, écrivant à un ami, tandis que la neige tombe sur tant de malheureux, je m’attendris sur leur sort », ! etc. — Doux tableau d’intérieur, sérieux bonheur de la vertu, montré au jeune homme pour calmer son cœur, l’épurer, l’élever. Demain pourtant, le vent de la tempête aura emporté ce nid !…