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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

sont ces légendes patriotiques qu’il faudrait répandre dans nos campagnes. Elles semblent écrites pour les naïfs et les illettrés, tant leur simplicité est grande ; il n’y a qu’à savoir lire. L’hiver, dans la longue veillée qui réunit la famille et les amis, le plus ancien du village, qui, lui aussi, a vu le feu, en ferait la lecture, les enrichirait de ses souvenirs. Dans l’uniformité de la vie rustique les mêmes pensées toujours reviennent. Plus d’un, parmi les jeunes auditeurs, au temps du labour solitaire, en conduisant la charrue ruminerait tel mot, telle page. Les purs, les vrais héros, Hoche, Marceau, Desaix, La Tour d’Auvergne repasseraient devant les yeux de son esprit ; il les verrait bien loin, bien haut, dans une auréole, comme les saints qui gardent sa maison aux deux coins de la cheminée. Un matin, le jour peut-être où il va s’entendre appeler à son tour, il se lève tout joyeux son nouveau saint, celui qu’il s’est choisi et qu’en secret il invoque, la nuit lui a parlé. Il en est sûr, son oreille ne l’a pas trompé, il a bien entendu ces encourageantes paroles « Tu nous admires, et pourquoi ? être un héros n’est pas si difficile, il ne tient qu’à toi de le devenir il n’y faut qu’une chose, bien aimer la patrie. »

Tel qu’il est, souvent quitté puis repris, composé de morceaux écrits à d’assez longs intervalles, ce livre garde néanmoins son unité et son harmonie ceci n’est point dû au simple hasard, mais à la forte et constante pensée qui d’un bout à l’autre l’anime. Il s’ouvre, sous la première République, avec les volontaires et les fédérés, par les guerres de délivrance. Puis la Grande Armée, vaillante toujours,