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LES SOLDATS DE LA RÉVOLUTION

l’avertir, premier grenadier des armées de la République.

Quand cette pierre lui tomba, La Tour d’Auvergne donna les signes d’un chagrin nullement feint, mais vrai et sincère. Il avait réussi jusqu’alors à éluder l’avancement ; il avait esquivé tout ce que recherchent les autres grades, honneurs, distinctions. Il avait espéré mourir simple soldat de l’armée.

Dans deux lettres admirables, l’une écrite à un camarade, l’autre à son imprimeur breton :

« Tout me fait un devoir, dit-il, de m’excuser d’accepter un titre qui ne me semble applicable à aucun soldat français, surtout au soldat d’un corps où il n’y eut jamais ni premier ni dernier… Je suis trop jaloux de conserver des droits à l’estime de ces braves et à leur amitié, pour consentir à aliéner de moi leur cœur, en blessant leur délicatesse. Les voies où j’ai marché ont toujours été droites et faciles… »

« Vous me félicitez, dit-il encore ; mais jamais je n’ai eu plus besoin de consolation… Cette palme eût dû toujours rester flottante sur tous les guerriers français… J’attendais de mes services, si l’on y ajoutait un jour quelque prix, ou l’oubli, ou du moins qu’on ne se les rappelât qu’à ma mort. »

Une grande mélancolie l’avait pris dans les derniers temps. L’âge, la santé, l’isolement y étaient pour quelque chose sans doute ; il était né pour toutes les affections douces, et il avait vécu seul. Sa vive imagination bretonne et sa grande tendresse de cœur ne lui laissèrent jamais de repos, il le dit lui--