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HOCHE

l’amiral Truguet. Projets hardis, d’un désintéressement héroïque, puisque même ils n’avaient pas besoin de la victoire.

La descente, véritablement impossible en 1804, quand Napoléon la voulut, était très possible en 93 et dans les années qui suivirent. Pourquoi ? Pour une raison très simple : l’Angleterre n’était pas avertie, elle n’était pas préparée, elle n’avait pas encore les moyens de défense qu’elle accumula pendant dix ans. En décembre 95, Nelson et Collingwood étaient encore simples capitaines, les amiraux semblaient. paralysés, les Anglais quittaient la Corse, la Méditerranée. Ce n’est qu’en 97 que la victoire sur l’Espagne rendra son ascendant à l’Angleterre.

Mais ; par-dessus tout, la raison capitale qui rendait le projet de Hoche aussi raisonnable que celui de Napoléon, en 1804, était hasardeux, c’est qu’alors il existait là-bas un peuple pour nous recevoir, un peuple qui nous tendait les bras, il existait une Irlande ; elle n’avait pas encore été noyée dans le sang ; elle n’était pas encore entrée dans cette carrière de misère croissante et de famine qui nous a rendus témoins du plus terrible phénomène, l’anéantissement physique d’une race, sans que cette race disparaisse ni même diminue de population.

Hoche, en isolant l’Irlande, allait couper le bras droit à l’Angleterre, et tuer à l’avance Wellington.

L’entreprise était sans doute incertaine, mais d’un danger superbe, de ceux auxquels un héros aimerait à donner sa vie. C’était bien plus qu’une affaire de guerre et de destruction. C’était surtout l’évocation, la résurrection d’un peuple que la France eût tiré du