Page:Michiels - Études sur l'Allemagne, renfermant Une histoire de la peinture allemande, 1845.djvu/279

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au duc pour l’engager à lever sa défense. Le baron lut la missive, trouva sans doute qu’elle était fort louchante, mais ne daigna point hasarder son crédit en faveur d’un pauvre diable. Schiller fut donc obligé de prendre une résolution extrême. 11 se regardait comme le plus malheureux des hommes, et sentait que l’acharnement de la souffrance anéantirait en lui les plus beaux germes poétiques, si même il ne détruisait sa santé peu robuste. La fuite, une prompte fuite, mettrait seule un terme à ses douleurs; il avait besoin de respirer librement l’air du ciel, de laisser derrière lui l’orageuse atmosphère qui l’enveloppait, le menaçait etl’étouffait. Loin de Stuttgart, assis à l’ombre des pins, les yeux flottant de vallées en vallées, il bénirait encore la nature; il éprouverait encore ces douces émotions qui charment le poète, lorsqu’un demi-jour rêveur descend sur son âme, et qu’une voix angélique s’entretient dans son cœur avec l’oiseau des haies, le narcisse des fontaines el le nuage lointain qui embrasse en pleurant la montagne. Avant tout, il écrirait à Charles Eugène, pour exiger qu’il le traitât d’une manière plus digne de l’un et de l’autre.

L’entreprise demanda du courage et de l’adresse. Jaloux de son pouvoir, le duc en châtiait sévèrement les contempteurs. C’était lui qui, pendant l’hiver de 1777, avait fait enlever Schubarl à Uhn; c’était par ses ordres qu’on l’avait conduit sur un traîneau