Page:Michiels - Études sur l'Allemagne, renfermant Une histoire de la peinture allemande, 1845.djvu/281

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Schiller était vêtu d’un habillement bourgeois qu’il tenait prêt pour ce jour. Leurs richesses ne les embarrassaient point. La bourse du poète contenait environ 50 francs, celle du musicien un peu plus de 60. Mais l’espérance et l’imagination grossissaient leur fortune au point de les éblouir. S’ils avaient été d’humeur guerrière, ils eussent. rêvé la conquête du monde. C’eût été, du reste, un songe moins contraire à leur bonheur; le sang qui fume sous le glaive honore plus vite et enrichit plus sûrement que les triomphes de la pensée. Ils se dirigèrent vers la porte la plus sombre qui d’ailleurs était gardée, non par un confident, mais par un ami de Schiller. Ce fut un bonheur pour eux qu’on n’eût point alors l’habitude d’exiger un passe-port à la sortie de la ville. Quelque fermeté qu’ils eussent, la voix de la sentinelle les remplit d’une émotion étrange : « Qui vive ? Arrêtez ! leur cria-t-elle; officier, sous les armes! » — « Comment vous appelez-vous? » leur demanda-t-on ensuite. Le musicien répondit qu’il se nommait le docteur Wolf, son ami le docteur Ritter, el qu’ils allaient à Esslingen. On prit note de leur déclaration, puis les battants s’ouvrirent pour leur laisser un libre passage. Jetant un coup d’œil à la dérobée dans le corps-de-garde sans lumière, ils franchirent l’enceinte avec un battement de cœur. Ils durent longer quelque temps les murailles de la ville: l’aspect seul du colosse ténébreux leur ôtait