Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/102

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Quoique le conte populaire ne produise rien par lui-même, il traverse les siècles et se transmet d’âge en âge en se modifiant. C’est la cause des difficultés qu’on éprouve à le classer systématiquement, à lui appliquer l’analyse critique, à reconnaître ce qui reste en lui du principe traditionnel, de ce qui lui vient d’une influence étrangère et postérieure. Une telle étude cependant est de la plus haute importance pour les Slaves : l’unique monument de leur ancienne littérature est leur tradition ; cette tradition précède l’époque où leur grande famille s’est divisée en nations et leur langue en dialectes.

La langue slave se partagea en dialectes dans sa première période historique ; et cette division existait déjà en germe dans la nature même de la langue. Souche unique d’abord, elle a produit deux tiges qui, se développant séparément, ont à leur tour donné diverses branches. La dualité est le principal caractère de cette langue. Les Allemands s’en sont aperçus de bonne heure et en ont cherché l’explication dans le mythe du dieu Blanc et du dieu Noir, dent le dualisme se reflète partout dans l’idiome et dans l’histoire des Slaves. Mais comment, d’après cette séparation, classer les peuples et les dialectes ? À qui donner le principe blanc ? à qui donner le principe noir ? Le problème est d’autant plus difficile à résoudre qu’il touche à toutes les questions religieuses et politiques de la race. Des deux groupes de dialectes, l’un a été appelé russe, et l’autre polonais par quelques savants. Mais les Polonais ne veulent pas accepter cette déno-. mination ; car, suivant eux, le mot russe est trop mo-