Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/170

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toujours ses chapitres par un morceau de poésie ; le récit vient ensuite, puis en dernier lieu une sorte d’élégie ou une prière. En voici un exemple : il adresse ses ouvrages aux évêques polonais ses protecteurs.

« Comment, dit-il, oserais-je jeter mon frêle esquif sur cet immense océan de l’histoire ? Mais le navigateur peut fendre en toute sécurité les vagues furieuses, lorsqu’il a un pilote habile pour diriger son navire d’après les vents et les étoiles. Je n’aurais pas échappé au naufrage de ces Scylla et de ces Charybde, si votre charité ne m’avait pas prêté le secours de ses rames. Maintenant je ne crains plus de m’aventurer dans le chemin périlleux de l’histoire, précédé que je suis par des hommes dont l’esprit lance des éclairs plus, forts que la lumière du jour. »

On a cru remarquer que la langue latine étouffait dans les écrivains du moyen âge leur caractère propre, national et local, tandis que le langage du peuple pouvait seul exprimer des sentiments patriotiques ; mais on ne peut pas faire ce reproche à Gallus. Il viole souvent sa latinité pour rendre tout ce qu’il y a de slave dans son âme, tout ce qu’il a saisi dans les chants nationaux ; aucun écrivain du moyen âge n’a une couleur locale plus vive.

Il rapporte avec grand soin les anciennes coutumes ; en parlant des personnes, il en trace le portrait, il décrit leurs habitudes, leurs gestes, leurs mouvements de tête, il cite même leurs plaisanteries. On n’a qu’a comparer les descriptions de Gallus à celles de Nestor ou de tout autre écrivain contemporain, pour sentir sa grande supériorité sous ce rapport.