Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/9

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peut-il y parvenir jamais ? Et d’ailleurs, y réussirait-il, il lui faudrait encore accomplir un second travail tout aussi difficile : celui de rendre exactement la forme cette partie inséparable, souvent capitale, des produits de l’art : un mot impropre, ou employé à tort, ou même mal prononcé, suffit quelquefois pour détruire, l’effet de toute une exposition.

Ces difficultés me sont connues, Messieurs ; à chaque mouvement de ma pensée, je sens le poids de la chaîne comme vous en entendez le bruit. Si je ne consultais que mon amour-propre littéraire, si je ne m’inquiétais que de mon intérêt d’artiste et de ma dignité personnelle, je renoncerais au dangereux honneur de me faire entendre dans cette enceinte ; il est pénible de se présenter devant le public, quand on ne se sent pas possesseur de cette force que donne la facilité et la grâce de l’expression ; mais des considérations très graves m’attachent à cette chaire. J’ai été appelé à prendre la parole au nom de peuples avec lesquels ma nation est intimement liée par son passé et par son avenir ; j’ai été appelé à prendre la parole, dans un temps où la parole est une puissance bien grande, dans une ville, je puis le dire, moi étranger, qui est la capitale de la parole : aucune considération ne doit donc plus m’arrêter.

L’un des caractères de notre époque, c’est le sentiment mutuel qui pousse les peuples à se rapprocher. Il est reconnu que Paris est le foyer, le ressort, l’instrument de cette tendance : par l’intermédiaire de cette grande cité, les peuples de l’Europe par-