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907 APPENDICES AU DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 908

du paganisme, en ayant abusé pour établir leurs hétérodoxies, l’on s’est fait comme un devoir de leur opposer ce petit récit historique, qui est un genre d’écrire qui demande plus que tous les autres la candeur et la bonne foi.

Après y avoir expliqué les sentiments païens, l’on vient à rechercher la source d’où ils ont pu tirer le fond de toutes ces opinions fabuleuses, tant de leurs dieux que de leurs démons, et on le trouve en substance dans l’Ancien Testament, d’où ils ont emprunté diverses vérités, pour servir de matière à leur mythologie.

C’est par là que l’on entre dans l’examen du système de M. Bekker. L’on s’y attache uniquement à l’argument que l’on emprunte de l’existence des démons révélée dans l’Ancien Testament, et avouée de tous les peuples, pour établir leurs opérations. Et en suivant cette voie on résout les difficultés de M. Bekker.

Dans cet examen l’on parait, par rapport aux oracles et aux faits particuliers que notre auteur allègue des opérations des démons, d’une libéralité que l’on n’approuverait peut-être pas, si l’on n’observait que l’on n’est prodigue qu’afin de resserrer plus étroitement M. Bekker à peu près, comme un soldat qui, sur le point de combattre, — se débarrasse de son bagage. S’il vainc, il le retrouvera au double.

On croit encore être obligé d’avertir que l’on se doit donner bien de garde de prendre pour accordées des choses dont on ne dit rien, ou que l’on passe légèrement. Quand un critique a mis son auteur aux mains avec lui-même, il peut après cela le quitter de bonne grâce.

On ne manquerait pas encore de se répandre en observations sur ce qu’il semble que l’on impose à M. Bekker de certaines choses, particulièrement sur les dieux du paganisme, directement opposées à ses principes. Mais l’on prie d’observer que l’on ne fait que suivre cet auteur, qui a eu le malheur d’écrire presque partout contre ses propres principes.

Au reste l’on n’est nullement théologien dans ce traité, et si l’on y entremêle quelques passages de l’Ecriture sainte ce n’est qu’en passant et par rapport à d’autres matières.

La raison pourquoi l’on en a usé de cette manière, c’est que cette vérité des opérations du diable est si clairement enseignée dans la parole de Dieu, que les explications que l’on donnerait de ces passages ne sauraient être plus évidentes.

Cependant quoique l’on se soit borné à examiner la doctrine des païens, et à y faire quelques observations critiques qui ne sont point du ressort des théologiens, l’on a soumis cette Histoire à l’examen de quelques personnes d’une probité exemplaire et d’une capacité consommée, aux conseils de qui l’on défère en toutes choses avec un profond respect. Il peut échapper aux mieux intentionnés quelques expressions que l’on


pourrait critiquer et c’est ce que l’on a tâché d’éviter autant qu’il a été possible.

PREMIÈRE LETTRE.

Sommaire.Remarques générales sur le système de M. Bekker, et particulièrement sur ce qu’il nous impute de faire du diable un dieu. Plan de l’ouvrage.

Monsieur,

J’ai différé exprès jusqu’ici à vous entretenir du système de M. Bekker, parce que j’ai cru qu’il fallait attendre que le temps remît les esprits dans leur assiette naturelle, et les disposât à examiner les choses sans passion. Ce n’est pas que je veuille dire que cet ouvrage ait pu éblouir des yeux aussi pénétrants que tes vôtres car vous n’êtes pas homme à vous laisser si facilement surprendre. Mais il y en a d’autres qui, admettant sans examen tout ce qui porte le caractère de nouveauté, s’y abandonnent aveuglément. Vouloir ramener ces gens-là dans les premiers mouvements de leur passion, ce serait les irriter et s’exposer à leur mauvaise humeur. Il a donc été bon de leur donner le temps de se reconnaître, et de jeter pour ainsi dire leur premier feu, avant que d’entreprendre de les désabuser.

Nier les opérations des démons sur la terre, est une proposition qui frappe l’esprit ; on se sent un penchant naturel à examiner ces sortes d’ouvrages. Les beaux esprits, qui veulent se singulariser en toutes choses, ne manquent pas de se faire un mérite de leur incrédulité à cet égard et le vulgaire ne demande pas mieux qu’on le délivre de ces objets de terreur. Ses vues étant extrêmement bornées, il s’imagine que l’on ne peut bannir les démons du monde sans détruire leur existence. Jugez, après cela, s’il s’endort dans le vice par l’espérance de l’impunité. S’il n’y a point de diables, il n’y a point aussi de peines à craindre : Facilis descensus Averni.

On ne peut donc pas nier que la matière que l’auteur traite n’excite la curiosité, et que son sentiment ne trouve dans les esprits de favorables préventions ; mais il faut aussi avouer qu’après ces premiers mouvements, l’on ne manque pas de revenir à soi-même le torrent étant passé, l’on examine sérieusement pourquoi l’on s’y est abandonné et si un auteur n’a pas appuyé son sentiment sur de solides arguments, il a le malheur de se voir abandonné. C’est ce qui est arrivé à M. Bekker : l’on a été d’abord tout de feu pour ses deux premiers livres mais l’on est devenu tout de glace pour ses deux derniers et ses plus ardents sectateurs commencent à l’abandonner.

Pour moi, j’ai lu son ouvrage plutôt pour vous obéir que pour me satisfaire : j’y ai trouvé ce que j’avais ouï dire tant de fois, beaucoup de zèle et de hardiesse à avancer des nouveautés, mais nulle preuve pour les soutenir ; et si vous ne vous laissez pas surprendre par un certain air de triomphe dont il anime ses expressions, vous courez risque de demeurer toujours enchanté particulièrement si vous niez certains principes