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15 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 16

de souffle très-considérable. On jugera de la difficulté qu’il y avait eu à faire la division exacte de l’émission du vent pour chaque noie, lorsqu’on saura que les muscles de la poitrine faisaient un effort égal à un poids de cinquante-six livres pour faire sonner le si d’en haut, tandis qu’une force d’une once suffisait pour la note la plus grave. L’instrument n’étant supportable que dans les mouvements rapides, il fallait que l’automate jouât tous les airs en doubles croches et qu’il donnât un coup de langue à chaque note et l’on doit dire qu’en cela il était plus habile que la plupart des musiciens de chair et d’os. Ce n’est pas tout encore. Il frappait en même temps sur son tambour des coups alternativement simples et doubles, variés suivant les airs.

« Tout le monde a entendu parler d’un autre automate construit par Vaucanson c’est le canard qui exécutait tous les mouvements d’un hôte de la basse-cour avec la vérité de la nature même. On le voyait se lever sur les pattes, allonger le cou pour saisir le grain qu’on lui présentait, et l’avaler, en y mettant tous les gestes d’un oiseau qui mange avec précipitation puis rendre la nourriture par les voies naturelles, après lui avoir fait subir une sorte de trituration. Il buvait ensuite, barbottait dans l’eau, et faisait entendre un cri très-bien imité. Toute la machine fonctionnait sans qu’on la touchât, et après avoir été montée une seule fois. »

Nous avons parlé des frères Droz.

« L’abbé Mical, homme savant et ingénieux, exécuta deux têtes de bronze qui prononçaient des mots et même des phrases entières. Leur mécanisme se composait de deux claviers, l’un en forme de cylindre par lequel on n’obtenait qu’un nombre déterminé de phrases, mais qui indiquait clairement les intervalles des mots et leur prosodie ; l’autre clavier contenait tous les sons et toutes les inflexions de la langue française, réduits à un petit nombre par une méthode particulière à l’auteur. Avec un peu d’habitude, on eût parlé avec les doigts comme avec la langue mais le gouvernement sur le rapport du lieutenant de police, M. Lenoir, ayant refusé d’acheter les têtes parlantes de l’abbé Mical, ce malheureux artiste, accablé de. dettes brisa son chef-d’œuvre et mourut pauvre en 1789..

« Rivarol, dans une des notes de son Discours sur l’universalité de la langue française, observe qu’une pareille machine pourrait servir à retracer aux siècles futurs l’accent et la prononciation d’une langue vivante qui tôt ou tard finissent par s’altérer ou se perdre absolument, ainsi qu’il est arrivé du grec et du latin, auxquels Démosthènes et Cicéron ne comprendraient rien à coup sûr, en nous entendant parler ces langues. Si l’abbé Mical était allé jusqu’à faire prononcer purement des phrases entières par ses têtes de bronze, il est permis de croire qu’en poussant un peu plus loin. ses recherches, il eût pu former un automate chantant. On se figure aisément quels auraient été les avantages de cette invention : ils sont de la même nature que ceux dont Rivarol fait une application à la langue.

« Le baron de Kempelen auteur d’un excellent ouvrage sur le mécanisme de la parole, et du fameux automate joueur d’échecs, que l’on vit à Paris, vers la fin du xviiie siècle, fut conduit par ses recherches à la construction d’un machine parlante, susceptible d’être appliquée indifféremment aux langues latine française et italienne. Il a laissé une explication de sa mécanique, et assure qu’en moins de trois semailles, on pouvait apprendre à la faire parler couramment au moyen du clavier. Il faisait prononcer sur-le-champ chaque mot qu’on lui demandait mais il avance qu’il ne pouvait pas dépasser les phrases d’une certaine longueur, comme par exemple celles-ci : Vous êtes mon ami, — Je vous aime de tout mon cœur, ou, en latin : Leopoldus secundus Romanorum imperator ; — semper augustus. Cependant comme d’après ce qu’il dit, la difficulté ne venait que de la petite quantité de vent fournie par le soufflet, il était facile de la faire disparaître. Depuis longtemps déjà, le célèbre Euler avait annoncé l’importance et la possibilité d’une semblable machine. « La machine partante de M. de Kempelen avait la forme d’une petite caisse de la grandeur d’une cage moyenne l’inventeur se proposait de lui donner, après l’avoir perfectionnée, celle d’un enfant de six à sept ans, parce que les sons qu’elle rendait ressemblaient à la voix d’un enfant de cet âge. Cette voix était douce et agréable ; il n’y avait que l’R qu’elle prononçât en grasseyant et avec un certain ronflement pénible. Lorsqu’on n’avait pas bien compris sa réponse, elle la répétait, mais sur le ton d’une impatience enfantine.

« Nous avons dit que l’inventeur de la machine parlante avait également construit l’automate joueur d’échecs, qu’il fit voir à Paris, à la fin du siècle dernier. La création de cette mécanique prodigieuse fut en quelque sorte due au hasard. Le baron de Kempelen, gentilhomme hongrois et conseiller aulique de la chambre royale des domaines de Hongrie, se trouvant à Vienne, fut appelé à la cour, pour assister à une séance de jeux magnétiques qu’un Français, nommé Pelletier, devait donner devant l’impératrice. Il était connu comme amateur ingénieux de mécanique, et tes personnes présentes lui ayant demandé son opinion sur les expériences auxquelles il assistait, il lui arriva de dire qu’il se croyait en état de faire une machine beaucoup plus étonnante que tout ce qu’on venait de voir. L’impératrice qui l’avait entendu le prit au mot et lui exprima le désir qu’il se mit à l’œuvre. En moins de six mois M. de Kempelen avait entièrement exécuté son joueur d’échecs. On chercha vainement à découvrir son secret en ̃Allemagne, et les mécaniciens de Paris ne furent pas plus heureux.

« L’automate de M. de Kempelen était un