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l’utilitarisme

pathiques, une créature humaine est capable de concevoir, entre elle et la société humaine dont elle est une partie, une communauté d’intérêt telle que toute conduite qui menace la sécurité de la société menace sa sécurité individuelle et fait appel à son instinct (si instinct il y a) de défense personnelle. La même supériorité d’intelligence, jointe au pouvoir de sympathiser avec les autres créatures humaines, rend l’homme capable de s’attacher aux idées collectives de famille, de nation, d’humanité, si bien que tout acte nuisible pour la société éveille ses instincts sympathiques et l’engage à la défense.

Le sentiment de la justice considéré dans un de ses éléments, le désir de punir, est donc, je crois, le sentiment naturel de la vengeance appliqué, grâce à l’intelligence et à la sympathie, à ces maux qui en même temps nous blessent, nous et la société. Ce sentiment en lui-même n’a rien de moral ; ce qui est moral, c’est sa subordination exclusive aux sympathies sociales. Les sentiments naturels tendent à nous faire ressentir indistinctement tout ce qui peut nous être désagréable ; mais quand ces sentiments sont rendus moraux par l’addition du sentiment social, ils agissent seulement dans un sens conforme au bien général. Une personne juste ressent une