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l’utilitarisme

l’opinion de ses semblables ; si ce n’est par l’opinion, du moins par les reproches de sa propre conscience. Cela me semble la marque réelle de la distinction qui existe entre la morale et la simple Utilité. Une personne peut être légitimement obligée de remplir son devoir ; cette obligation est une partie de la notion du devoir sous toutes ses formes. Le devoir peut être exigé d’une personne, comme on exige le remboursement d’une dette. Nous ne considérons comme son devoir que ce qui peut être exigé d’elle. Des raisons de prudence, ou l’intérêt d’autrui peuvent empêcher de l’exiger immédiatement, mais la personne elle-même n’est pas autorisée à se plaindre et à rejeter son devoir. Il y a d’autres choses, au contraire, que nous désirons qu’on fasse, pour lesquelles nous admirons ou aimons les personnes qui les accomplissent, et peut-être, méprisons celles qui ne les font pas, tout en admettant bien que ces personnes ne sont pas forcées de les faire. Elles ne sont pas dans le cas d’obligation morale ; nous ne les blâmons pas, ou plutôt nous pensons qu’elles ne méritent pas une punition. Comment arrivons-nous à ces idées de mériter ou de ne pas mériter une punition ? c’est ce que nous démêlerons peut-être plus tard ; mais je pense qu’on ne peut douter que cette