Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/202

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servir de l’expérience et de l’interpréter à sa façon. C’est à lui de découvrir ce qu’il y a d’applicable dans l’expérience acquise à sa position et à son caractère. Les traditions et les coutumes des autres individus sont jusqu’à un certain point des témoignages de ce que l’expérience leur a appris, et ces témoignages, cette présomption doit être accueillie avec déférence par l’adulte que nous venons de supposer. Mais d’abord l’expérience des autres peut être trop bornée ou ils peuvent l’avoir interprétée de travers ; l’eussent-ils interprétée juste, leur interprétation peut ne pas convenir à un individu en particulier.

Les coutumes sont faites pour les caractères et les positions ordinaires : or, son caractère et sa position peuvent ne pas être de ce nombre. Quand même les coutumes seraient bonnes en elles-mêmes, et pourraient convenir à cet individu, un homme qui se conforme à la coutume uniquement parce que c’est la coutume, n’entretient ni ne développe en lui aucune des qualités qui sont l’attribut distinctif d’un être humain. Les facultés humaines de perception, de jugement, de discernement, d’activité intellectuelle, et même de préférence morale, ne s’exercent qu’en faisant un choix. Celui qui n’agit jamais que suivant la coutume ne fait pas de choix. Il n’apprend nullement à discerner ou à désirer le mieux ; la force intellectuelle et la force morale, tout comme la force musculaire, ne font de progrès qu’autant qu’on les