Page:Millanvoye — Anthologie des poètes de Montmartre, éd7.djvu/13

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Dans le Paris désert des jours lourds de l’été,
Moins pâles, cependant, sous la caresse amie
Du soleil embrasé, chauffant leur anémie,
Elles jettent partout un peu de leur gaîté.

Couturières, les dés protègent leurs doigts probes.
Leur paire de ciseaux pend au bout d’un lacet,
Et, comme pour monter à l’assaut du corset,
Un bout de fil serpente aux traînes de leurs robes.

Elles causent du plus récent assassinat,
De suicides par amour, de mariages,
Cependant que leurs yeux lorgnent, aux étalages,
Les bijoux défendus, sur les coussins grenat.

Des vieillards, allumés par leur démarche lente,
Leur murmurent des mots ignobles, en passant ;
Elles prennent, alors, un grand air innocent,
Et rougissent, avec une candeur troublante…

De nouveau, la rue est paisible. Le soleil
Caniculaire luit sur le zinc des toitures,
Tandis que dans le sourd ronflement des voitures,
Bourgeoisement, la rue a repris son sommeil…