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RAOUL PONCHON

Votre chair est savante ; en la verte prairie,
Vous ne deviez brouter que des fleurs, je parie.
Dédaigneux du chiendent ?

Lorsque vous gambadiez aux profondes vallées,
Sur les montagnes ou dans les plaines salées,
Petits gigots d’agneaux.
Vous étiez des jésus que la grâce décore,
Mais vous êtes bien plus attendrissants encore
Couchés sur des fayots.

Ne vous mange-t-on pas par pure gourmandise
Et machinalement, comme une friandise,
Sans mesure, sans fin ?…
Car, ainsi que l’a dit un grand clerc en Sorbonne :
A-t-on vu le gigot faire mal à personne,
Qui se mange sans faim ?

Mon Dieu, pardonnez-moi de chanter votre gloire !
En ces vers visigoths dignes d’un champ de foire,
Ô sublimes gigots !
Pour écrire sur vous d’honorables tartines.
Ce ne serait pas trop de plusieurs Lamartines
Et de quelques Hugos.