Page:Milosz - Poèmes, 1929.djvu/100

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Reçois-moi dans cette lumière archangélique qui sommeille mille ans dans le blé funéraire et y entretient le feu caché de la vie.

Car le blé des antiques tombeaux, versé dans le sillon, s’illumine comme un cœur de sa propre charité

Et ce n’est pas le soleil mortel qui donne à la moisson sa couleur invariable de sagesse.

Telle est la clef du monde de lumière. À qui la manie d’une main pieuse et sûre elle ouvre aussi — l’autre région.

J’ai visité les deux mondes. L’amour m’a conduit tout au fond de l’être.

J’ai porté sur ma poitrine le poids de la nuit, mon front a distillé une sueur de mur.

J’ai tourné la roue d’épouvante de ceux qui partent et reviennent. Il ne reste de moi en maint endroit qu’un cercle d’or tombé dans une poignée de poussière.

J’ai exploré à tâtons les labyrinthes hideux du monde de fureur et sous les grandes eaux sommeillent mes patries étranges.

Je me taisais. J’attendais que la folie de mon roi me saisît à la gorge. Ta main, ô mon roi ! est sur ma gorge. C’est là le signe, voici l’instant. Je parlerai.

Tu m’as fait naître dans un monde qui ne te connaît plus, sur une planète de fer et d’argile, nue et froide.

Au milieu d’un grouillement de voleurs abîmés dans la contemplation de leur sexe.

Là, à la puanteur du massacre succède l’encensement imbécile des trompeurs de peuples.

Et pourtant, fils de la boue et de la cécité, je n’ai pas de mots pour décrire