Page:Milosz - Poèmes, 1929.djvu/52

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Nous suivrons la musette aux lieux abandonnés.
Là-bas, dans l’ombre du nuage, au pied de la tour,
Le romarin conseille de dormir ; et rien n’est beau
Comme l’enfant de la brebis couleur de jour.
Le tendre instant nous fait signe de la colline voilée.
Levez-vous, amour fier, appuyez-vous sur mon épaule ;
J’écarterai la chevelure du saule,
Nous regarderons dans la vallée.
La fleur se penche, l’arbre frissonne : ils sont ivres d’odeur.
Déjà, déjà le blé
Lève en silence, comme dans les songes des dormeurs.
Et la ville, elle aussi, est belle dans le bleu du temps ; les tours
Sont comme des femmes qui, de loin,
Regardent venir leur amour.
Amour puissant, ma grande sœur,
Courons où nous appelle l’oiseau caché des jardins.
Viens, cruel cœur,
Viens, doux visage ;
La brise aux joues d’enfant souffle sur le nuage
De jasmin.
La colombe aux beaux pieds vient boire à la fontaine ;
Qu’elle s’apparaît blanche dans l’eau nouvelle !
Que dit-elle ? où est-elle ?
On dirait qu’elle chante dans mon cœur nouveau.
La voici lointaine…
Que le monde est beau, bien-aimée, que le monde est beau !
Viens, suis-moi ! je connais les confins de la solitude,
La femme des ruines m’appelle de la fenêtre haute :
Vois comme sa chevelure de fleurs folles et de vent
S’est répandue sur le chéneau croulant.