Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vu une goëlette démâtée, délabrée, sans équipage. Sa poupe portait le nom de Ruby et les tronçons de ses mâts montraient que ceux-ci venaient d’être abattus.

À la hauteur des bancs, nous fûmes enveloppés dans un brouillard épais qui ne laissait pas voir à vingt mètres de distance. Le sifflet à vapeur était lâché toutes les cinq minutes et le travail de la sonde était continuel. Notre navire brisait en passant des morceaux de glace et tous les yeux étaient attentifs à surveiller l’approche de la première montagne de glace qui se révèlerait dans nos ténèbres. Un bateau à vapeur passa près de nous et nous ne l’apprîmes que par le retentissement de son sifflet. On ne parlait plus à notre bord que de ces terribles histoires de navires perdus corps et biens, détruits par le choc d’une montagne de glace ou des rochers de la côte. Le capitaine avait l’air inquiet et chacun de nous était mal à son aise.

Cependant, après deux journées de peur, nous sortîmes sains et saufs de notre enveloppe brumeuse et glaciale, pour nous trouver en plein soleil, à l’embouchure du Saint-Laurent, et le 2 juillet, nous entrions à Québec. Avec ses maisons d’une éclatante blancheur, relevées de vert ; attachée aux flancs d’une haute colline qui a l’air de se dresser au milieu du grand fleuve, pour en barrer le passage, Québec a une beauté qui frappe au-delà de toute comparaison. Nous ne prîmes que le temps d’admirer les glorieuses plaines d’Abraham, et, sans autre retard, nous remontâmes le Saint-Laurent à travers le paysage enchanteur des « Mille Îles », puis, par le lac Ontario, jusqu’à Toronto.

Là, nous nous résolûmes à aller passer une journée à Niagara. Un nouveau bateau à vapeur nous transporta de l’autre côté du lac, à Lewiston, dans les États-Unis, à l’embouchure de la rivière de Niagara. De Lewiston, un chemin de fer vous mène jusqu’à un mille des chutes[1]. Il suit le bord des falaises

  1. Dans le Tour du Monde, 1861, 1er semestre, on trouvera la vue de Québec, p. 249 ; celle des Mille Îles, p. 257, et celle des chutes du Niagara, p. 261. (Trad.)