Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/21

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fertile ; les chevaux et les bœufs de trait y étaient extraordinairement gras. Nous parcourûmes soixante-dix milles de pays pareil avant d’arriver, la seconde nuit depuis notre départ de Saint-Paul, au petit établissement de Sauk-Centre[1]. Il nous restait encore une demi-heure de jour. Pour en profiter, nous prîmes nos fusils et allâmes rôder auprès des marais des environs, en quête de canards ; mais nous rentrâmes les mains vides, parce que nous manquions de chiens, dont nous aurions eu besoin pour nous tirer de l’eau plusieurs pièces que nous avions abattues, et par peur des moustiques, dont l’acharnement nous ôtait toute envie de nous déshabiller pour aller nous-mêmes les chercher. Ce fut un véritable désappointement, car nous nous étions figuré que nous aurions à souper quelques canards, pour nous dédommager du porc salé, seule provision animale qu’on trouve dans les auberges sur les routes de l’Occident lointain. De retour à notre gîte, nous déplorions auprès de notre hôte notre mésaventure, lorsqu’il nous répondit que, s’il avait su que nous sortions pour chasser, il nous aurait prêté son chien, qui rapportait admirablement. Alors il nous présenta le jeune Rover, chien à l’air alerte, au poil doux, dont la forme et la couleur rappelaient celles d’un terrier noir et brun, mais qui était de la taille d’un basset. On excusera certainement les minuties du portrait que nous en traçons quand le reste de nos aventures aura fait apprécier la valeur de cet animal, avec quelle fidélité il nous a servis, combien il nous a fourni de nourriture, et par quelles connaissances variées il a su divertir et les Indiens que nous avons rencontrés et nous-mêmes. Nos amis indiens ont eu pour lui une affection qui n’avait d’égale que la haine que leurs chiens lui portaient. La façon pleine de courage et de dignité dont il en usait avec ces derniers, qui ressemblent plus à des loups qu’à des chiens, leur apprit bientôt à le

  1. Probablement situé sur le lac ou sur la rivière Sauk, affluent de droite du Mississipi. (trad.)