Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/39

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Heureusement le quatrième jour n’amena ni tempête ni tonnerre, et, à partir de là, nous eûmes un temps magnifique pour le reste de notre trajet.

Ce fut avec joie que nous nous éloignâmes de ce camp lugubre. Les rives portaient des marques nombreuses de la fureur des tempêtes récentes. Partout ce n’étaient que grands arbres déracinés, que troncs rompus à ras de terre, qu’éclats arrachés ou coupés par le feu du ciel. Évidemment, cette tempête avait été de celles qu’on appelle ici une tempête-ruban, c’est-à-dire une tempête qui a pour sillon le cours d’une rivière. Ces phénomènes n’occupent qu’une ligne fort étroite, mais ils y développent une véritable violence de destruction.

Nous avions alors épuisé toutes les provisions que nous avions emportées. Durant plusieurs jours, nous vécûmes sur les produits de notre pêche et de notre chasse. Un gros brochet de dix à douze livres nous suffit pour deux jours. De temps en temps nous prenions une quantité d’yeux-d’or, espèce de poissons semblable à la vaudoise. Comme nous avions eu le malheur de briser notre dernier hameçon, nous attrapions ces poissons à l’aide de deux aiguilles par les trous desquelles nous faisions passer la ligne et auxquelles nous attachions l’amorce. Un soir, nous n’eûmes pour souper qu’une couple d’yeux-d’or. Le lendemain, de,très-bonne heure, les tiraillements de nos estomacs nous réveillèrent. Presque toute cette journée nous restâmes à ramer en plein soleil, sans force, sans courage et mourants de faim. Les canards ni les oies ne se montraient plus ; aucun yeux-d’or ne se laissait prendre à nos amorces. Cependant nous savions que nous avions encore au moins cent cinquante milles à faire. Notre seule espérance d’échapper à la famine était fondée sur la prompte arrivée du bateau à vapeur. Qu’on se rappelle en effet que, dans toute la distance des quatre cent cinquante milles qui séparent Georgetown de Pembina, à soixante milles au-dessus du fort Garry, il n’y a pas de chance de rencontrer d’habitants,