Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/167

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course le feu en sort de tous côtés. Sur leurs têtes est un firmament de cristal où s’élève un trône de saphir marqueté d’ambre pur et des couleurs de l’arc pluvieux.

« Tout armé de la panoplie céleste du radieux Urim, ouvrage divinement travaillé, le Fils monte sur ce char. À sa main droite est assise la Victoire aux ailes d’aigle ; à son côté pendent son arc et son carquois rempli de trois carreaux de foudre ; et autour de lui roulent des flots furieux de fumée, de flammes belliqueuses et d’étincelles terribles.

« Accompagné de dix mille saints il s’avance : sa venue brille au loin, et vingt mille chariots de Dieu (j’en ai ouï compter le nombre) sont vus à l’un et à l’autre de ses côtés. Lui, sur les ailes des chérubins, est porté sublime dans le ciel de cristal, sur un trône de saphir éclatant au loin. Mais les siens l’aperçurent les premiers ; une joie inattendue les surprit quand flamboya, porté par des anges, le grand étendard du Messie, son signe dans le ciel. Sous cet étendard Michel réunit aussitôt ses bataillons, répandus sur les deux ailes, et sous leur chef ils ne forment plus qu’un seul corps.

« Devant le Fils la puissance divine préparait son chemin : à son ordre les montagnes déracinées se retirèrent chacune à leur place, elles entendirent sa voix, s’en allèrent obéissantes ; le ciel renouvelé reprit sa face accoutumée, et avec de fraîches fleurs la colline et le vallon sourirent.

« Ils virent cela les malheureux ennemis ; mais ils demeurèrent endurcis, et pour un combat rebelle rallièrent leurs puissances : insensés ! concevant l’espérance du désespoir ! Tant de perversité peut-elle habiter dans des esprits célestes ! Mais pour convaincre l’orgueilleux à quoi servent les prodiges, ou quelles merveilles peuvent porter l’opiniâtre à céder ? Ils s’obstineront davantage par ce qui devait le plus les ramener ; désolés de la gloire du Fils, à cette vue l’envie les saisit ; aspirant à sa hauteur, ils se remirent fièrement en bataille, résolus par force ou par fraude de réussir et de prévaloir à la fin contre Dieu et son Messie, ou de tomber dans une dernière et univer-