Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/169

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des rebelles. Étonnés, ils cessent toute résistance, ils perdent tout courage : leurs armes inutiles tombent. Sur les boucliers et les casques, et les têtes des Trônes et des puissants séraphins prosternés, le Messie passe ; ils souhaitent alors que les montagnes soient encore jetées sur eux comme un abri contre sa colère ! Non moins tempestueuses, des deux côtés ses flèches partent des quatre figures à quatre visages semés d’yeux, et sont jetées par les roues vivantes également semées d’une multitude d’yeux. Un esprit gouvernait ses roues ; chaque œil lançait des éclairs, et dardait parmi les maudits une pernicieuse flamme qui flétrissait toute leur force, desséchait leur vigueur accoutumée, et les laissait épuisés, découragés, désolés, tombés. Encore le Fils de Dieu n’employa-t-il pas la moitié de sa force, mais retint à moitié son tonnerre ; car son dessein n’était pas de les détruire, mais de les déraciner du ciel. Il releva ceux qui étaient abattus, et comme une horde de boucs, ou un troupeau timide pressé ensemble, il les chasse devant lui foudroyé par les Terreurs et les Furies, jusqu’aux limites et à la muraille de cristal du ciel. Le ciel s’ouvre, se roule en dedans, et laisse à découvert par une brèche spacieuse l’abîme dévasté. Cette vue monstrueuse les frappe d’horreur ; ils reculent, mais une horreur bien plus grande les repousse : tête baissée, ils se jettent eux-mêmes en bas du bord du ciel : la colère éternelle brûle après eux dans le gouffre sans fond.

« L’Enfer entendit le bruit épouvantable ; l’enfer vit le ciel croulant du ciel : il aurait fui effrayé ; mais l’inflexible destin avait jeté trop profondément ses bases ténébreuses, et l’avait trop fortement lié.

« Neuf jours ils tombèrent ; le chaos confondu rugit, et sentit une décuple confusion dans leur chute à travers sa féroce anarchie ; tant cette énorme déroute l’encombra de ruines ! L’enfer béant les reçut tous enfin, et se referma sur eux ; l’enfer, leur convenable demeure, l’enfer pénétré d’un feu inextinguible ; maison de malheur et de tourment. Le ciel soulagé se ré-