Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Cela dit, il te forma, toi, Adam ; toi, ô Homme poussière de la terre ; et il souffla dans tes narines le souffle de la vie : il te créa à sa propre image, à l’image exacte de Dieu, et tu devins une âme vivante. Mâle il te créa, mais il créa femelle ta compagne, pour ta race. Alors il bénit le genre humain, et dit :

« Croissez, multipliez ; et remplissez la terre et vous l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tous les animaux vivants qui se meuvent sur la terre, partout où ils ont été créés, car aucun lieu n’est encore désigné par un nom. » De là, comme tu sais, il te porta dans ce délicieux bocage, dans ce jardin planté des arbres de Dieu, délectables à voir et à goûter. Et il te donna libéralement tout leur fruit agréable pour nourriture (ici sont réunies toutes les espèces que porte toute la terre, variété infinie !) ; mais du fruit de l’arbre qui goûté, produit la connaissance du bien et du mal, tu dois t’abstenir ; le jour où tu en manges, tu meurs. La mort est la peine imposée ; prends garde, et gouverne bien ton appétit, de peur que le péché ne te surprenne, et sa noire suivante, la mort.

« Ici Dieu finit : et tout ce qu’il avait fait, il le regarda, et vit que tout était entièrement bon : ainsi le soir et le matin accomplirent le sixième jour ; toutefois non pas avant que le Créateur cessant son travail, quoique non fatigué, retournât en haut, en haut au ciel des cieux, sa sublime demeure, pour contempler de là ce monde nouvellement créé, cette addition à son empire, pour voir comment il se montrait en perspective de son trône, combien bon, combien beau, répondant à sa grande idée.

« Il s’enleva, suivi d’acclamations, et au son mélodieux de dix mille harpes qui faisaient entendre d’angéliques harmonies. La terre, l’air, résonnaient (tu t’en souviens, car tu les entendis) ; les cieux et toutes les constellations retentirent, les planètes s’arrêtèrent dans leur station pour écouter, tandis que la pompe brillante montait en jubilation. Ils chantaient :

« — Ouvrez-vous, portes éternelles ; ouvrez, ô cieux, vos