Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/271

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Cependant, pour saluer de nouveau le monde avec la lumière sacrée, Leucothoé s’éveillait et embaumait la terre d’une fraîche rosée, alors qu’Adam et Ève notre première mère finissaient leur prière, et trouvaient leur force augmentée d’en haut : ils sentaient de leur désespoir sourdre une nouvelle espérance, une joie, mais encore liée à la frayeur. Adam renouvela à Ève ses paroles bienvenues :

« Ève, la foi peut aisément admettre que tout le bien dont nous jouissons descend du ciel ; mais que de nous quelque chose puisse monter au ciel, assez prévalant pour occuper l’esprit de Dieu souverainement heureux, ou pour incliner sa volonté, c’est ce qui paraît difficile à croire. Cependant cette prière du cœur, un soupir rapide de la poitrine de l’homme volent jusqu’au trône de Dieu : car depuis que j’ai cherché par la prière d’apaiser la Divinité offensée, que je me suis agenouillé, et que j’ai humilié tout mon cœur devant Dieu, il me semble que je le vois placable et doux me prêtant l’oreille. Je sens naître en moi la persuasion qu’avec faveur j’ai été écouté. La paix est rentrée au fond de mon sein, et dans ma mémoire la promesse que ta race écrasera notre ennemi. Cette promesse, que je ne me rappelai pas d’abord dans mon épouvante, m’assure à présent que l’amertume de la mort est passée et que nous vivrons. Salut donc à toi, Ève, justement appelée la mère de tout le genre humain, la mère de toutes choses vivantes, puisque par toi l’homme doit vivre, et que toutes choses vivent pour l’homme. »

Ève, dont le maintien était doux et triste :

« Je suis peu digne d’un pareil titre, moi pécheresse, moi qui ayant été ordonnée pour être ton aide, suis devenue ton piège : reproche, défiance et tout blâme, voilà plutôt ce qui m’appartient. Mais infini dans sa miséricorde a été mon juge, de sorte que moi qui apportai la première la mort à tous, je suis qualifiée la source de vie ! Tu m’es ensuite favorable quand tu daignes m’appeler hautement ainsi, moi qui mérite un tout autre nom ! Mais les champs nous appellent au travail