Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/283

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harpe de douces et amoureuses ballades, et s’avançaient en dansant. Les hommes, quoique graves, les regardèrent et laissèrent leurs yeux errer sans frein ; pris tout d’abord au filet amoureux ils aimèrent, et chacun choisit celle qu’il aimait : ils s’entretinrent d’amour jusqu’à ce que l’étoile du soir, avant-coureur de l’amour, parut. Alors, pleins d’ardeur, ils allument la torche nuptiale et ordonnent d’invoquer l’hymen, pour la première fois aux cérémonies du mariage invoqué alors : de fête et de musique toutes les tentes retentissent.

Cette entrevue si heureuse, cette rencontre charmante d’amour et de jeunesse, non perdues ; ces chants, ces guirlandes, ces fleurs, ces agréables symphonies, attachent le cœur d’Adam (promptement incliné à se rendre à la volupté, penchant de la nature !) ; sur quoi il s’exprime de cette manière :

« Ô toi qui m’as véritablement ouvert les yeux, premier ange béni, cette vision me paraît bien meilleure et présage plus d’espérance de jours pacifiques que les deux visions précédentes : celles-là étaient des visions de haine et de mort, ou de souffrances pires : ici la nature semble remplie dans toutes ses fins. »

Michel :

« Ne juge point de ce qui est meilleur par le plaisir, quoique paraissant convenir à la nature : tu es créé pour une plus noble fin, une fin sainte et pure, conformité divine.

« Ces tentes que tu vois si joyeuses sont les tentes de la méchanceté, sous lesquelles habitera la race de celui qui tua son frère. Ces hommes paraissent ingénieux dans les arts qui polissent la vie, inventeurs rares ; oublieux de leur Créateur, quoique enseignés de son Esprit ; mais ils ne reconnaissent aucun de ses dons ; toutefois ils engendreront une superbe race : car cette belle troupe de femmes que tu as vues, qui semblaient des divinités, si enjouées, si attrayantes, si gaies, sont cependant vides de ce bien, dans lequel consiste l’honneur domestique de la femme, et sa principale gloire ; nourries et accomplies seulement pour le goût d’une appétence