Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/82

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hommes sur la terre ; fais-toi chair quand les temps seront accomplis, et sors du sein d’une vierge par une naissance miraculeuse. Sois le chef du genre humain dans la place d’Adam, quoique fils d’Adam. Comme en lui périssent tous les hommes, en toi, ainsi que d’une seconde racine, seront rétablis tous ceux qui doivent l’être ; sans toi, personne. Le crime d’Adam rend coupables tous ses fils ; ton mérite, qui leur sera imputé, absoudra ceux qui, renonçant à leurs propres actions, justes ou injustes, vivront en toi transplantés, et de toi recevront une nouvelle vie. Ainsi l’homme, comme cela est juste, donnera satisfaction pour l’homme ; il sera jugé et mourra ; et en mourant il se relèvera, et en se relevant relèvera avec lui tous ses frères rachetés par son sang précieux. Ainsi l’amour céleste l’emportera sur la haine infernale en se donnant à la mort, en mourant pour racheter si chèrement ce que la haine infernale a si aisément détruit, ce qu’elle continuera de détruire dans ceux qui, lorsqu’ils le peuvent, n’acceptent point la grâce.

« Ô mon Fils ! en descendant à l’humaine nature, tu n’amoindris ni ne dégrades la tienne. Parce que tu es, quoique assis sur un trône dans la plus haute béatitude, égal à Dieu, jouissant également du bonheur divin ; parce que tu as tout quitté pour sauver un monde d’une entière perdition ; parce que ton mérite, plus encore que ton droit de naissance, Fils de Dieu, t’a rendu plus digne d’être ce Fils, étant beaucoup plus encore que grand et puissant ; parce que l’amour a abondé en toi plus que la gloire, ton humiliation élèvera avec toi à ce trône ton humanité. Ici tu t’assiéras incarné ; ici tu régneras à la fois Dieu et homme, à la fois Fils de Dieu et de l’homme, établis par l’onction Roi universel.

« Je te donne tout pouvoir : règne à jamais ; et revêts-toi de tes mérites : je te soumets, comme chef suprême, les Trônes, les Princes, les Pouvoirs, les Dominations : tous les genoux fléchiront devant toi, les genoux de ceux qui habitent au ciel, ou sur la terre, ou sous la terre, en enfer. Quand, glorieusement en-