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EROTIKA BIBLION

Ici l’embarras de Shackerley devint énorme. Il avait assez de connaissances pour saisir et tracer les grands effets de ces corps variés et suspendus ; il échoua quand il voulut peindre des êtres animés. Aussi ne trouve-t-on point dans le manuscrit mozarabique toute la clarté, tous les détails que l’on désirerait à cet égard. Au moins les Abbandonati de Bologne, les Resvegliati de Gênes, les Addormentati de Gubio, les Disingannati de Venise, les Adagiati de Rimini, les Furfurati de Florence, les Lunatici de Naples, les Caliginosi d’Ancône, les Insipidi de Pérouse, les Melancholici de Rome, les Extravaganti de Candie, les Ebrii de Syracuse, etc., etc., etc., qui tous ont été consultés, ont renoncé à rendre la traduction plus claire. Il est vrai que l’inquisition civile et religieuse entre peut-être pour quelque chose dans leur embarras.

Cependant il faut être juste ; rien n’est plus difficile à donner que l’explication d’un sens qui nous est étranger. On a des exemples d’aveugles nés, qui, par le secours des sens qui leur restaient, ont fait des miracles de cécité. Eh bien ! l’un d’entre eux, chimiste, musicien, apprenant à lire à son fils, ne peut pas trouver une autre définition du miroir que celle-ci : « C’est une machine par laquelle les choses sont mises en relief hors d’elles-mêmes. » Voyez combien cette définition, que les philosophes qui l’ont approfondie trouvent très-subtile et même surprenante[1], est

  1. En effet, comme le remarque l’illustre M. d’Alembert, d’après l’ingénieux et quelquefois sublime Diderot, quelle finesse d’idées n’a-t-il pas fallu pour y parvenir ! L’aveugle n’a de connaissance que par le tact ; il sait qu’on ne peut voir son visage, quoiqu’on puisse le toucher. « La vue, conclut-il, est donc une espèce de tact qui ne s’étend que sur les objets différents du visage et éloignés de nous. » Le tact ne lui donne en outre que l’idée du relief. Donc un miroir