Page:Mirbeau - Autour de la Colonne, paru dans l’Écho de Paris, 3 mars 1891.djvu/4

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Deuxième monsieur

Jamais !… (Il demeure un instant très grave comme inspiré, le doigt sur la bouche, tout à coup faisant le geste de déployer un drapeau)… Jamais !

(Passe une petite modiste, une gamine toute blonde et rieuse.)

Premier monsieur (s’arrêtant, l’œil brillant).

Pst !… Mademoiselle !… Écoutez-moi donc !

Deuxième monsieur (reniflant).

Pst !… mon petit chat !… Écoutez-nous donc !

(La gamine file plus vite, sous les appels répétés, se retourne de temps en temps, moqueuse, et disparaît).

Premier monsieur (désappointé).

La petite rosse !

Deuxième monsieur

Il en viendra peut-être de plus jeunes encore !

(Ils se remettent à marcher autour de la colonne).

Premier monsieur

Voyez-vous !… on a beau dire !… la France est toujours la France !… Légère, insouciante, blagueuse, c’est possible !… mais dès qu’il s’agit de la Patrie… nom d’un chien !… alors, on ne badine plus !… L’honneur national se réveille, indomptable !… J’aime ça, moi !

Deuxième monsieur

Ce que j’admire en nous, c’est que, dans ces moments de crise, nous avons le sentiment de la mesure, de la proportion…