Page:Mirbeau - Autour de la Colonne, paru dans l’Écho de Paris, 3 mars 1891.djvu/5

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aussi bien que de l’enthousiasme. Ainsi, tant que Bismarck nous a provoqués, insultés de toutes les manières… nous n’avons rien dit !… cois, respectueux et dignes, nous n’avons pas bougé. On nous tuait nos douaniers, nos gendarmes, à la frontière !… nous n’avons pas bougé !… On nous interdisait le séjour en Alsace…

Premier monsieur (le doigt levé).

Chut ! N’en parler jamais !

Deuxième monsieur

C’est juste !… On nous interdisait le séjour… (D’une voix tremblante…) là-bas… nous n’avons pas bougé !… Mais voilà qu’aujourd’hui il s’agit d’envoyer à Berlin des nymphes, des couchers de soleil, des fleurs et des vaches !… Halte-là !… Nous nous révoltons !… Nous nous indignons !… Qu’est-ce que vous voulez ? Moi, je trouve ça très beau et j’applaudis !…

Premier monsieur

L’honneur national !… Ah ! c’est une grande vertu !…

Deuxième monsieur

L’art national !… Il faut que l’art soit national ou qu’il ne soit pas !… (Avec emportement.) À Berlin, les chats de Lambert !… les fleurs de Madeleine Lemaire !… Mais ça ne serait plus des fleurs, ça ne serait plus des chats !… Il y aurait sur ces fleurs et sur ces chats, l’éternelle souillure allemande !…

Premier monsieur

Et les soldats de Detaille !… À propos, vous savez qu’il y avait une conspiration !