Page:Mirbeau - Consultation, paru dans l’Écho de Paris, 10 novembre 1890.djvu/3

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Le Docteur (encourageant, et lançant en l’air une bouffée de fumée)

Allez… allez… Je vous vois venir… Contez-moi ça !…

Le Client (poursuivant)

Quoique votre toute récente communication à l’Académie de médecine sur les causes de la dépopulation m’ait jeté un froid !… C’était si sévère !… si farouche !… Voilà que vous voulez régénérer la société maintenant ?

Le Docteur (riant)

Ah ! mon bon ami ! Comment, vous avez donné dans le panneau, vous ? Ça m’étonne !… Il fallait bien prendre position dans cette querelle ! La thèse que j’ai soutenue était brillante, à effet… Elle devait plaire à la presse, attendrir Jules Simon, ce brave Jules Simon !… Qu’est-ce que vous voulez ? Il n’y a que l’absurde qui ait des chances de succès !… Mais, ici, nous ne sommes pas à l’Académie de médecine, cher ami… Et je puis bien vous avouer que je me moque de la dépopulation de la France, et de sa repopulation…

Le Client

Vrai ?… Vous vous en moquez ?

Le Docteur (catégorique)

Absolument, mon bon ami… Je m’en moque autant que du reboisement des montagnes… Et ce n’est pas peu dire ?… Voyons, contez-moi votre petite histoire…

Le Client (rassuré, presque souriant)

Eh bien ! voici… J’ai une amie…

Le Docteur

Mariée ?