Page:Mirbeau - Dans la luzerne, paru dans l’Écho de Paris, 29 septembre 1891.djvu/4

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une chienne extraordinaire… Avec elle, il faut que le gibier parte… Il n’y a pas beaucoup de chiennes comme elle…

Le domestique

Ah ! dame, non !… Il faut que ça parte ou que ça dise pourquoi !

Le propriétaire

Seulement, elle est ardente… Elle s’emballe quelquefois… il faut la maintenir… Préparez-vous. Je crois que c’est un râle… Regardez-la travailler ! C’est un amour ! (Diane va, vient, fond sur les taupes, repart sur les mulots, tourne, gambade, la queue battante, les flancs haletants. Des papillons blancs se lèvent sur son passage ; des bourdons bourdonnent ; de petits oiseaux s’envolent effarés.) Hein, comme elle travaille !…

L’invité

C’est admirable !… Et vous croyez que c’est un râle ?

Le propriétaire (catégorique)

C’est certainement un râle !… Suivez-la, monsieur… Elle va le lever. Doucement, Diane !… Cherche partout, ma petite chienne ! Quelle quête, quel nez !… Tenez-vous prêt !… C’est sûrement un râle ! À moins que ne soit une caille, ou peut-être encore des perdreaux qui ont couru là…

Le domestique

Moi je crois que c’est un lièvre !… Voilà quinze ans que j’accompagne monsieur… je connais bien la manigance des lièvres… Et puis, je connais bien la chienne, aussi… Moi je crois que c’est un lièvre.