Page:Mirbeau - Eugène Carrière, paru dans l’Écho de Paris, 28 avril 1891.djvu/3

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d’autres, épargnent à leurs œuvres la banalité écœurante des Salons officiels, et leurs intolérables promiscuités. Ceux-là parmi les amateurs et les curieux de sensations nobles, ceux-là que l’art intéresse et passionne, savent où l’aller chercher et visiter. Et de ces visites, l’on remporte des impressions certaines, complètes, réfléchies, que le voisinage des médiocrités coutumières et des habituelles laideurs, n’altère ni ne salit. Il n’y a pas à dire ; la plus belle toile du monde garde, au Salon, comme un reflet bête de tout ce qui l’entoure. Parfois, il m’a semblé voir, sur un Puvis de Chavannes, passer l’ombre insidieuse d’un Guillaume Dubufe, dont mes yeux avaient retenu l’horripilante horreur.

Eugène Carrière s’est décidé, cette année, à suivre l’exemple de ses aînés. Il a réuni, chez Goupil, cinquante toiles et dessins d’un exceptionnel et tout à fait poignant intérêt. On le voit bien ainsi ; on le sent, on le revit. Son âme exquise exhale librement l’amour tendre et fort,