Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/101

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nêtes, et il combinait des plans dans lesquels le romanesque s’alliait au vol et à la simonie. Il entrevoyait des héritages de vieilles femmes très riches, des amours mystiques et productives avec de très belles châtelaines. Le plus naturellement du monde, il songeait à vendre son influence et sa protection… mais à qui ?… à trafiquer des sacrements, à tenir boutique des choses saintes… mais comment ?… Élargissant ses rêves, il travaillait à inventer des pèlerinages perfectionnés, à exhumer des saints miraculeux, à découvrir chez la Vierge des vertus inédites et sûrement exploitables… Mais tout cela était fait depuis longtemps !… « La Vierge est tondue, archi-tondue ! », se disait-il en laissant retomber ses mains sur le bureau avec un geste découragé. Ces idées, qui lui paraissaient simples d’abord, au moment où elles naissaient, devenaient, à la réflexion, pleines de difficultés et d’une impraticable réalisation. Il y renonçait en se rejetant sur d’autres, plus compliquées encore, plus extravagantes et qui aboutissaient au même négatif résultat. C’est alors que le soir, dégoûté, irrité, il jouait rageusement du cornet à pistons, comme il eût fendu du bois, comme il eût cherché querelle à quelqu’un dans la rue, afin de détendre ses nerfs et d’oublier, une minute, la tristesse de son âme.

Un jour qu’il se trouvait seul, dans le cabinet de l’évêque, il aperçut, sur la cheminée, quelques pièces d’or parmi quelques pièces d’argent. Instinctivement, sans qu’il eût une intention précise, il s’assura du re-