Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/108

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songer à se transformer en agriculteurs, comme les trappistes ; n’ayant pas un personnel spécial de professeurs, ils ne pouvaient se livrer à l’enseignement, comme les jésuites. Deux essais qu’ils firent, le premier d’un orphelinat de jeunes garçons, le second, d’une école professionnelle, ne réussirent point. Alors, en 1823, découragés, ils prirent le parti de s’en aller, ceux-ci émigrant vers les couvents d’Espagne, ceux-là se réfugiant à Rome, auprès de leur général. Et l’abbaye, abandonnée, demeura confiée, sur sa demande, à la garde de l’un d’entre eux, le Révérend Père Pamphile, qui conservait une foi entêtée dans le retour de l’Ordre aux traditions anciennes et qui passait, étant très bavard et Méridional, pour un organisateur de première force.

Dès qu’il se trouva seul, la première chose que fit le Révérend Père Pamphile fut de congédier le jardinier, le charretier, l’homme de basse-cour, et de vendre les deux chevaux, les quatre vaches et les poules qui restaient. Puis, il s’arrangea avec une voisine, dont le mari, autrefois, travaillait à la journée, pour le compte du couvent, afin que celle-ci lui apportât, moyennant six sous, une bolée de soupe tous les matins, tous les soirs un morceau de pain bis, et que son homme lui servît la messe par-dessus le marché. Après quoi, délivré des soucis du ménage, de la nourriture, de l’administration, il se promena au milieu des ruines muettes, très grave et songeant. Durant six mois, de l’aube à la nuit, il déambula ainsi, de plus en plus