Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/11

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— Il aurait bien dû y rester, à Paris… Moi, je n’attends rien de bon de son retour.

Mon père approuva.

— Sans doute !… sans doute !… dit-il ; avec un caractère comme le sien, la vie ne sera pas heureuse, tous les jours !… Oh ! non, par exemple !… Pourtant…

Il réfléchit pendant quelques secondes et reprit :

— Pourtant, il y a un avantage, mignonne, à ce que l’abbé reste près de nous… un avantage considérable… considérable !

Ma mère riposta vivement, en haussant les épaules :

— Un avantage !… Tu crois cela, toi !… D’abord, la famille, il s’en moque, autant que de dire sa messe… A-t-il seulement une pauvre fois envoyé des étrennes au petit, son filleul ?… Quand tu l’as soigné dans sa grande maladie, passant les nuits, négligeant pour lui tes affaires, t’a-t-il seulement remercié ? Tu disais : « Il nous fera un beau cadeau. » Où est-il, son beau cadeau ?… Et les lapins, et les bécasses, et les grosses truites, et tout ce dont on le gavait !… Ce que nous nous sommes privés de bonnes choses pour lui !… Il semblait, en vérité, que cela lui était dû…

— Dame ! voyons, interrompit mon père… on faisait pour le mieux…

— Non, vois-tu, nous avons été des imbéciles, avec lui… C’est un mauvais parent, un mauvais prêtre, un être indécrottable !… S’il revient à Viantais, c’est qu’il ne possède plus rien, qu’il a tout mangé, qu’il est