Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/120

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n’eussent point voulu. Là aussi, la bise s’engouffrait par les fenêtres sans vitres, la pluie s’égouttait par le toit troué comme un tamis. Mais les murs étaient solides, et cela suffisait. D’ailleurs, le prêtre ne prêtait à ces choses qu’une médiocre attention, absorbé qu’il était de plus en plus par l’idée fixe : son église.

Son église ! Durant ces haltes au couvent, entre deux quêtes, il dépensait une activité extraordinaire et ruineuse, autour de la chapelle, dont l’emplacement, envahi par les hautes herbes, ne se voyait même plus. Avant qu’il songeât à donner le premier coup de pioche dans les fondations, il achetait de la pierre de taille, de la chaux, du ciment ; les cours en étaient pleines, et prenaient des aspects blanchâtres de chantier. Quand les voitures arrivaient, il se précipitait à la tête des chevaux :

— Par ici !… par ici !… Nous allons décharger ici !… Hue ! dia !… Ah ! la belle pierre !… Ah ! la bonne chaux !… Ah ! le fameux ciment !… Hue ! dia !

Et il pesait sur les leviers, remontait les crics, vidait la chaux dans les fosses qu’il avait creusées, remuait des sacs de ciment, criant avec une joie navrante d’enfant : « Ça marche !… Ça marche ! » Et il s’adressait aux charretiers : « Ah ! mes amis !… C’est bien !… Vous aurez contribué à l’édification de la chapelle !… Vous êtes de braves gens ! Dieu vous bénira !… » Naturellement, de même que le bois avait pourri, les pierres gelèrent, la chaux, délayée par la pluie, coula, le ciment durcit dans les sacs. Des quelques matériaux