Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/121

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intacts, la plupart disparurent, emportés, la nuit, par des maraudeurs. Ces pertes ne ralentissaient pas son courage, ces malheurs ne diminuaient pas sa confiance. Il se contentait de dire gaiement : « Nous remplacerons ça ! » C’étaient aussi de longues conférences avec des architectes et des entrepreneurs qui, s’étant rendu compte, à la première minute, de la folie du Père Pamphile, et désireux de l’exploiter, lui proposaient les plans les plus baroques, l’excitaient à des dépenses inutiles, s’acharnaient à le voler à qui mieux mieux. Métrant, cubant, déroulant de grands papiers jaunis où étaient tracées des figures géométriques, ils allaient, entre les blocs de pierre, ou bien à travers les ronces, affairés, poudreux et géniaux. D’un geste large, ils ébauchaient, en l’air, des projets d’architectures babyloniennes, faisaient tourner des cathédrales au bout de leur doigt. Et le Père Pamphile, son livre à la main, donnait des explications historiques.

— Voyons, Messieurs, nous ne créons pas… nous reconstituons… C’est bien différent… Tenez, là, était le maître autel… en pierre sculptée… trente-deux figures !… Et quelles figures !… Un chef-d’œuvre ! Là, le retable… moins ancien et très riche… en porphyre… un don de Louis XIV.

— Du porphyre ! disait l’entrepreneur. Justement, j’en ai un lot qui ferait joliment votre affaire… Et du beau, et du bon marché !

— C’est ça !… Envoyez-le… Je le prends… Là, les stalles capitulaires… des merveilles… en chêne !